Face à l’uniformisation des méthodes de traitement des données, partir à la recherche de la nouvelle star est devenu un exercice commun, pratiqué par tous. Ces dernières années, certains clubs ont dû rivaliser d’imagination pour conserver leurs avantages compétitifs, en passant par des moyens du jeu vidéo.
Lorsqu’il était en charge de l’analyse de l’adversaire et de la détection de jeunes talents sous les ordres de José Mourinho à Chelsea entre 2004 et 2008, André Villas-Boas entendit parler d’un jeu qui faisait beaucoup de bruit dans le milieu. Football Manager, de son nom, permettait à n’importe qui de prendre les rênes de son équipe de football favorite et d’en assurer la gestion complète, de la composition du 11 aux ajustements tactiques en cours de match, en passant par le recrutement et la construction de vos séances d’entraînements.
Mais dans cette plate-forme, un élément retenait particulièrement l’attention du technicien portugais : la quantité phénoménale de joueurs dont elle recelait. Tous, issus de la réalité, étaient transposés en avatars et évalués par des critères statistiques en fonction de leurs performances réelles. Villas-Boas commença alors à simuler une carrière d’entraîneur sur plusieurs saisons, sans pour autant intervenir dans le jeu, en automatisant chacune de ses décisions. A la fin de chaque exercice écoulé, il scrutait attentivement les joueurs qui ressortaient du lot, notamment les plus jeunes, et commençait à s’y intéresser … dans la vraie vie. Quelques années plus tard, il admit, presque honteux, que Football manager était devenu son outil de référence en matière de recrutement.
Une base de données démesurée
Football Manager n’est pas un simple jeu vidéo. Ce qui a fait la renommée du jeu est également ce qui a conduit André Villas-Boas à mesurer l’étendue de son potentiel, à savoir sa gigantesque base de données. Au total, plus de 650 000 joueurs, répartis dans quelque 39 000 clubs, sont référencés dans son système d’exploitation. Un chiffre qui ne trouve aucune valeur commune, même du côté des plus puissants fournisseurs de données. Et que les développeurs ont bâti sans même dépenser des miles et des cents.
La force de Football Manager réside en fait dans un réseau de 1300 scouts répartis aux quatre coins du monde, épaulé par 70 chercheurs centralisant les données depuis leur siège de Londres. Ces recruteurs en herbe, pour la grande majorité simples supporters et entièrement bénévoles, ont la lourde tâche d’évaluer les joueurs de leur équipe favorite en fonction de leurs performances. Mais, et là se trouve toute la spécifié du jeu, ces scouts s’attellent également à recueillir de précieuses informations sur les effectifs composant les équipes réserve et les équipes jeunes. Autrement dit, le secret pour qu’aucune étoile montante ne leur échappe.
Découvre ta future carrière sur Football Manager
Dès 1994, l’année de naissance de Sports Interactives, les producteurs du jeu avaient par exemple réussi à déceler les qualités de Neil Lennon et Danny Murphy, deux jeunes prometteurs évoluant dans le petit club anglais de Crewe Alexandra, dans le nord du pays. Tous deux jouaient encore dans les équipes jeunes, ce qui ne les empêchait pas d’être très bien côtés par Football Manager. Sans le même le savoir, Lenon et Murphy ont ensuite embrassé la carrière que les algorithmes du jeu vidéo leur prédestinaient, le premier en devenant une icône du Celtic Glasgow, le second en honorant durant 7 ans les couleurs de Liverpool FC. C’était la confirmation que les développeurs travaillaient sur le bon modèle.
« Il nous est aussi arrivé de nous tromper », relève toutefois Miles Jacobson. « Certains joueurs, comme Freddy Adu ou Maxim Tsigalko, avaient tout le talent du monde et étaient très bien notés dans notre jeu, ce qui qui en faisait de très bons éléments. Mais une fois, arrivées en conditions de match, ils sont passés au travers dans la vraie vie, embrassant des choix de carrière pour le moins étranges. Le taux de réussite est estimé à 99% concernant la détection du potentiel de jeunes talents.
Un chiffre rendu possible à la fois par un système d’intelligence artificielle devenu mature, ainsi qu’un barème de notation particulièrement minutieux. Le niveau de chacun des éléments qui composent la base de données du jeu est, en fait, déterminé en fonction de 250 attributs, dont la plupart sont inspirés de leurs statistiques réelles. Caractéristiques techniques, tactiques, physiques, tout y passe, y compris de facteur mental, prépondérant pour cerner leur personnalité.
Un outil indispensable pour un club
Longtemps ignoré par les principaux acteurs du football mondial, ce goût prononcé pour dénicher les stars de demain n’est devenu crédible à leurs yeux que depuis une petite poignée d’années. Si André Villas-Boas a bien ouvert la voie, se gardant néanmoins de le crier sur les tous les toits, Football Manager a réellement franchi un cap 2009, lorsque Everton, via son entraîneur David Moyes s’est octroyé exclusivité de la base de données du jeu. Un moyen, à l’époque, de prendre une longueur d’avance sur les autres écuries de Premier League dans la détection des éléments les plus prometteurs du pays.
Aujourd’hui, cette pratique est devenue presque monnaie courante, ce qui a conduit le jeu vidéo à diversifier ses offres afin de proposer désormais des services à la carte pour plusieurs grands noms du Football européen, ou quelques clubs plus modestes, bien décidés à réaliser des bon coups sur le marché des transferts, à l’image de Watford (Premier League) ou de Wimbledon (D3) qui souhaitait connaitre l’historique des blessures d’une douzaine de joueurs qu’il avait ciblés. D’autres nous demandent les qualités d’un joueur sur un pied particulier. Des clubs peuvent également parfois demander un milieu défensif, âgé de 22 à 27 ans, ayant un standard particuliers. Football Manager, devient alors un moteur de recherche pour le football.
Extrait du livre : Le football est une Science (In) exacte.
Disponible sur la boutique Click For Foot – Voir la page des livres